Jurkiewicz, Martha: Le roman des philosophes. Le lecteur comme protagoniste (Romanice 25) ISBN 978-3-89693-725-4 (08/2012)
426 Seiten, Kt., EUR 58,00 Le lecteur ne lit pas l’œuvre, mais la crée – celle-ci n’étant
jamais que telle que le lecteur l’aura réalisée à partir de ce que lui offre le texte. Voilà l’idée-clé que l’on trouve dans les théories pragmatiques et sémiotiques de ces dernières décennies, qui
mettent au centre des analyses non plus le texte dans sa forme de représentation, mais le lecteur qui, lors de l’acte de lecture, par et à travers son rôle actif, réalise le texte sous sa forme concrète. Or,
ce que, sous forme théorique, on attribuera, effectivement, au contexte de l’esthétique de la réception, aux théories d’Umberto Eco ou encore à la théorie sympractique de Rolf Kloepfer, les romans des
philosophes nous le fournissent, à peu près deux siècles plus tôt, se formulant chacun au sens de la mise en scène d’un exemple pratique. Que l’on pense à l’appel que Voltaire inscrit dans la
dernière phrase de son Candide, nous suggérant comme seul remède la propre activité. Ou encore au labyrinthe structurel de Jacques le fataliste qui ne cesse de défier le lecteur, lui demandant continuellement de se réorienter, restant bien sur ses gardes, pour ne pas se laisser prendre dans un des pièges dont semble parsemé le texte. Ce n’est pas tout simplement une belle histoire que nous offrent les philosophes romanciers, mais une véritable ‹aventure› qui, vécue par le lecteur, devra l’avoir suffisamment mûri et préparé à l’aventure que, jour par jour, lui offre sa propre vie. Qu’il sympathise avec les ‹héros›, qu’il les pleure ou se moque d’eux, soucieux de garder sa position bien distanciée – bref, quelle que soit la forme par laquelle le lecteur participe au texte, c’est à chaque fois sa réponse concrète dans la communication qui, à travers les signes du texte, s’établit entre lui et l’auteur. Ainsi, le double objectif se traduisant dès le titre, ce travail vise non seulement à illustrer par les exemples concrets ce que c’est que le roman des philosophes, d’un côté, la tâche active du lecteur, de l’autre ; mais aussi à montrer comment une conception évidemment changée du roman prévoit nécessairement pour le lecteur un rôle nouveau : celui du protagoniste.
Table des matières 0. Introduction
a. Aperçu historique b. Aspects pragmatiques du roman des philosophes c. Mon itinéraire I. La tradition du roman moderne 1. Le roman sentimental –
entre la tradition et sa négation 2. Les philosophes romanciers – leur critique et leurs prétentions esthétiques 2.1. Les philosophes et leur conception esthétique 3. Le roman – un genre à la
recherche de sa justification 4. Conclusion II. ‹La Nouvelle Héloïse› et ‹La Religieuse› – deux faces différentes du roman sentimental 1. ‹La Religieuse› 1.1 Un document effrayant 1.2. La
Préface-Annexe 1.3. La Religieuse – le mémoire accusateur ou les mémoires d’une jeune religieuse ? 2. La Nouvelle Héloïse 2.1. Les méta-textes comme point de repère pour le
lecteur 2.2. La Religieuse et La Nouvelle Héloïse – lecture subjective vs. tutelle du lecteur 3. L’action et la structure ou l’aspect mimétique de l’histoire 3.1. La Religieuse – documentation d’une sensibilité pervertie 3.2. La Nouvelle Héloïse – entre la tradition et l’innovation 3.2.1. Un roman en deux parties 3.2.2. La première partie – le « versant passionné » 3.2.3. La deuxième partie – le ‹versant vertueux› ou la réponse idéologique à la première partie 3.3. La représentation de l’action chez Diderot et chez Rousseau 4. Les personnages – protagonistes ou figurants 4.1. La présentation des personnages dans La Religieuse 4.1.1. ‹L’ombre› d’une protagoniste 4.1.2. Les observateurs extérieurs – ‹les aides› du lecteur 4.2. La Nouvelle Héloïse – le roman des personnages exceptionnels 4.2.1. Wolmar – le sage impénétrable 4.2.2. Julie – l’héroïne sensible et vertueuse 4.2.3. Saint Preux – le lecteur exemplaire 4.2.3.1. Saint Preux et l’intention idéologique de Rousseau 4.3. La ‹sensibilité› et le ‹bon jugement› – l’expression des intentions différentes chez Diderot et chez Rousseau 5. Le lecteur dans le contexte sympractique 5.1. Le lecteur et le monde des projections négatives chez Diderot 5.1.1. Le lecteur dans le rôle du scrutateur 5.1.2. Le lecteur et la vie intérieure des personnages 5.1.3. La passivité de Suzanne et la prise de conscience du lecteur 5.2. La Nouvelle Héloïse – le méta-texte comme première orientation 5.3. La théorie des préfaces et leur réalisation 5.4. La Ie partie et la question du bonheur durable 5.4.1. La « révolution intérieure » de Julie dans la rétrospective de la lettre XVIII 5.5. La deuxième partie – la double tâche sympractique du lecteur 5.5.1. La tension sympractique et la double lecture 5.5.2. L’ambivalence de Julie et le bonheur durable 5.6. Du témoin passif à l’observateur actif – le lecteur et sa tâche sympractique dans La Religieuse et La Nouvelle Héloïse
III. Le roman comique et la tradition des parodies 1. Du genre sentimental au genre comique 2. La parodie comme expression d’intentions philosophiques 2.1. Candide – l’histoire d’un anti-héros 2.1.1 La ‹genèse› de Candide ou Voltaire et la théorie de l’optimisme 2.1.2. La théorie optimiste et sa réalisation dans le roman 2.2. Jacques le fataliste – une théorie narrative 2.2.1. Les plans narratifs comme procédé esthétique 2.2.2. Le voyage – la parodie d’une parodie 2.2.3. L’histoire des amours de Jacques – un conte d’amour ? 2.2.4. La tradition et sa parodie 2.2.5. Jacques et son maître – le ‹maître› et sa marionnette 2.2.5.1. La clé des deux protagonistes 2.2.6. La parodie chez Voltaire et Diderot 3. Les personnages et leur effet comique 3.1. Du traditionnel à Diderot et Voltaire 3.2. Candide – du métaphysicien naïf à l’observateur sceptique 3.2.1. L’épisode d’Eldorado et la deuxième phase du conte 3.3. Jacques – le philosophe comique 4. Les digressions – cadre du bizarre 4.1. Sterne – Diderot et le terme du ‹bizarre› 4.2. La poétique esthétique de Diderot 4.3. La bizarrerie de la réalité 4.3.1. Les ‹originaux› et l’échec personnel 4.3.2. La théorie des digressions et sa continuité 4.3.3. ‹Le bizarre› et le jugement comme une vertu philosophique 4.4. Le bizarre et sa problématique esthétique 4.4.1. Le monde des ‹hobby-horses›chez Sterne 4.5. Le terme de la réalité dans la théorie du roman dans la succession de Diderot 5. L’intention idéologique et esthétique chez Diderot et Voltaire et leur réalisation différente 6. La narration auctoriale 6.1. Candide et
le narrateur ironique 6.2. Jacques le fataliste – le narrateur comme meneur du jeu 6.2.1. Le jeu avec la vérité 6.2.2. La position du ‹lecteur fictif› 7. Le roman sentimental et le roman comique – deux types de roman à l’image d’une intention commune Bibliographie
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